« Nous devons mener la Reconquista ! C’est une guerre entre deux peuples différents, sur le territoire français ». Avant d’arriver à la question cruciale du retour des djihadistes, Pierre Cassen nous évoque la forte montée de l’islam en France, due à une immigration massive, majoritairement musulmane. Il pointe du doigt la complicité des élites françaises dans cette guerre quotidienne que les islamistes mènent au peuple français, sur son propre territoire.
INFORO.RU. Bonjour, Pierre Cassen ! Vous êtes une personnalité très connue en France et vous dérangez le pouvoir politique dans votre pays. Nos lecteurs russes ne vous connaissent pas. Qui êtes-vous finalement ?
Pierre Cassen. Je suis un ancien ouvrier du livre, typographe, puis photocompositeur, par ailleurs syndicaliste. J’ai longtemps milité à gauche et depuis 15 année maintenant je mène un autre combat qui me paraît prioritaire, contre l’islamisation de mon pays permise par une immigration massive. J’ai donc créé en 2007 le site Riposte Laïque, dont je suis à présent le porte-parole. C’est un combat difficile qui, dans le contexte français, nous vaut la mise à l’écart de toutes les interventions médiatiques, et une forte répression judiciaire. Pour vous donner un ordre d’idée, une cinquantaine de procédures ont été instruites contre Riposte Laïque, j’ai déjà été interrogé une quinzaine de fois par des juges ou des policiers, et je suis déjà passé dix fois au tribunal.
Lire la suite sur le site Riposte Laïque.
Pour quelle raison en France les élites ont-elles décidé de privilégier les étrangers, les Africains ? C’est quoi le but final ?
Pierre Cassen. C’est la dictature mondialiste. Comment pouvoir expliquer qu’un pays qui compte aujourd’hui 6 millions de chômeurs, 10 millions de pauvres, puisse dépenser des sommes exorbitantes pour accueillir des clandestins (des hommes seuls) d’une vingtaine d’années, majoritairement musulmans dont on nous raconte, en se foutant ouvertement de nous, qu’ils fuient la guerre. On les loge à l’hôtel, quand les clochards français meurent sur le trottoir. On les soigne gratuitement. Vladimir Poutine, mais aussi Donald Trump, et tous ceux qu’on appelle les populistes condamnent aujourd’hui cette idéologie, qui consiste finalement à anéantir les États-nations, à briser la culture populaire, la culture identitaire, l’Histoire d’un pays. Signalons que tous ces chefs d’État sont violemment combattus par les médias de propagande français.
Dans quelle phase se trouve la France dans l’islamisation ?
Pierre Cassen. Depuis 15 ans à cause de la politique migratoire dont j’ai cité les conséquences tout à l’heure, il y a beaucoup plus de musulmans sur le territoire français. Je dirais 10 à 15 millions sur une population de 65 millions. La natalité est nettement favorable aux musulmans. Tous les avantages sociaux vont aux musulmans qui sont encouragés à faire de nombreux enfants. Dernièrement, une enquête de l’institut Montaigne, un institut patronal plutôt pro-migrants, a dévoilé que 30 % de musulmans présents en France préféraient les lois de l’islam aux lois de la France. Pour les jeunes de moins de 25 ans ce chiffre atteint 50 %.
Nous avons eu les massacres de Charlie Hebdo, du Bataclan…
Pierre Cassen. Ce n’est hélas, aussi abominables soient-ils, que la face visible de l’iceberg. 250 victimes. Mais le plus grave, c’est l’islamisation quotidienne, avec la terreur imposée dans les quartiers, la conquête progressive qu’ils font de la France, par le voile islamique, les constructions de mosquées, les boucheries halal, la violence, les intimidations et les agressions. Les musulmans sont 15 % de la population, mais occupent 80 % des places de prison. Tout ça se passe dans l’ombre. C’est ce qu’un journaliste israélien, Zvi Yehezkel, a appelé « le djihad silencieux » dans plusieurs documentaires terrifiants. Ce qui donne raison au philosophe de gauche Michel Onfray qui dit : »Si les choses continuent ainsi, la France serait un pays musulman dans moins de 50 ans ».
Justement nous avons la question de l’État islamique qui aurait été, il paraît, vaincu et les politiques français comme M. Macron et M. Castaner, le ministre de l’Intérieur, disent qu’il faut rapatrier les djihadistes de nationalité française car »ils sont avant tout français ».
Pierre Cassen. La réponse de M. Castaner est criminelle. Chose encore plus abominable, la ministre de la Justice, Nicole Belloubet, a annoncé pour 2019 que les prisons françaises, qui paraît-il sont pleines, verraient 450 djihadistes libérés de prison et remis en liberté. Au nom des droits de l’homme, et parce que ce seraient les règles d’une démocratie. C’est la volonté de mettre en danger le peuple français, nous sommes dirigés par des traîtres, qui ont sur les mains le sang de toutes les victimes de l’islam.
Le président algérien se représente. Les Algériens menacent de venir en France. On parle de 500 000 Algériens prêts à débarquer en France… Quel avenir pour la France peut-on voir compte tenu du retour des djihadistes, des réseaux dans le Maghreb, de la venue des Algériens ?
Pierre Cassen. Macron a craché sur la France, depuis l’Algérie avant son élection à la présidentielle en accusant les Français de crimes contre l’humanité durant la guerre d’Algérie. Une saloperie historique ! Quand on parle de »crimes contre l’humanité » cela fait référence aux crimes nazis. Il a osé dire ça sur un territoire étranger alors qu’on sait que les pires actes de barbarie venaient des tortionnaires du FLN. Et les Algériens en France ne se comportent pas comme les amis de la France. La France ne doit pas accueillir le moindre Algérien supplémentaire. On devrait plutôt renvoyer des centaines de milliers d’Algériens dans leur pays car ils tiennent un discours revanchard sur le colonialisme.
Les Français bientôt en guerre civile avec le retour des djihadistes ?
Pierre Cassen. Je dirais bientôt la Reconquista, la guerre de reconquête, ou la mort car nous avons deux peuples en France. Des nouveaux venus qui veulent remplacer le peuple historique de ce pays. Je vois hélas trois scénarios possible : sans résistance avec la loi du nombre la France deviendra un pays islamiste. Soit une guerre de reconquête qui sera terrible. Ou alors, pour éviter la catastrophe, une remigration massive et obligatoire de plusieurs millions de musulmans qui n’acceptent pas nos lois, dans un pays musulman. Et pour cela, il faut que les Français votent enfin pour des dirigeants qui les défendent, et cessent d’élire ceux qui les trahissent.
La Reconquista dans l'histoire ibérique
Durant tout le haut Moyen Âge, les petits souverains chrétiens du Nord demeurent sur la défensive face à un émirat, puis à un califat de Cordoue qui apparaît alors comme l'un des États les plus puissants de son temps. Une fois passé le tournant de l'an mil, la nouvelle vitalité de l'Occident fait que les rôles sont désormais inversés, au moment où le monde ibéro-musulman d'Al Andalus connaît une crise grave. La prise de Tolède en 1085 par Alphonse VI de Castillle, celle de Valence en 1094 par le Cid Campeador, enfin celle de Huesca en 1096 par Sanche Ramirez d'Aragon semblent annoncer une victoire rapide et définitive des « croisés d'Espagne ». L'irruption de nouveaux défenseurs de la foi musulmane remet alors en cause la reconquête castillane et aragonaise. Surgis du désert mauritanien et de l'Atlas marocain, les Almoravides, puis les Almohades s'imposent comme les nouveaux champions de l'islam, bien décidés à lui conserver les terres d'Al Andalus. Les grandes victoires chrétiennes remportées durant la première moitié du XIIIe siècle limitent au seul royaume de Grenade la présence musulmane en terre ibérique. Mais il faut attendre la fin du XVe siècle pour que, à l'issue d'une guerre de dix ans, les Rois catholiques Isabelle de Castille et Ferdinand d'Aragon parviennent à s'emparer de la cité où, pendant deux siècles, l'islam andalou a pu briller de ses derniers feux. Terminée sur le plan territorial, la Reconquista ne l'est pas totalement car les souverains espagnols entendent bien – dans le contexte d'exaltation religieuse qu'a engendré leur victoire, et avec le souci d'assurer l'unité spirituelle de leurs États – terminer également la reconquête des âmes. Dès 1492, les juifs perturbant la société des « convertis » sont expulsés d'Espagne et, au début du XVIIe siècle, c'est le tour des 300 000 Morisques demeurés fidèles à la religion musulmane.
De la « perte de l'Espagne »…
Elle intervient à partir de 711, avec une rapidité foudroyante. Après avoir subjugué l'Afrique du Nord, qui leur a opposé une résistance beaucoup plus longue, les conquérants musulmans parvenus aux rives atlantiques du Maghreb se tournent naturellement vers le royaume qui s'étend au nord des Colonnes d'Hercule. L'Hispania des rois wisigoths – qui avaient réussi à unifier sous leur autorité l'ensemble de la péninsule Ibérique – connaissait alors de sérieuses difficultés. Plusieurs sécheresses catastrophiques avaient ruiné et réduit à la misère les populations rurales.
L'aristocratie germanique dominante ne s'était jamais fondue dans la population ibéro-romaine et, jusqu'au ralliement – à la fin du VIe siècle – du roi Recarède à l'Église romaine, les Wisigoths étaient demeurés attachés au christianisme arien. Enfin leur politique antijudaïque, très brutale, fondée sur leur souci d'établir une société homogène après les dissensions liées à l'arianisme, encourageait la minorité juive, victime de nombreuses discriminations, à accueillir comme des libérateurs les envahisseurs musulmans. Les divisions de l'aristocratie dirigeante fragilisaient le pouvoir du roi Rodéric, qui devait également compter avec les dissidences chroniques des populations asturiennes et basques.
Après une première reconnaissance réalisée en 710, le chef berbère Tariq – qui donne alors son nom au détroit de Gibraltar, en baptisant le « rocher » Djebel al Tarik – débarque avec quelques milliers de combattants près d'Algésiras à l'été de 711. Revenu du nord où il faisait campagne contre les rebelles asturiens, le roi Rodéric est, selon la tradition, vaincu et tué lors de la bataille livrée sur les rives du rio Guadalete, et les envahisseurs peuvent engager immédiatement la conquête de la péninsule. Tariq s'avance jusqu'à Tolède, la capitale wisigothique, qui se rend sans combat. Il pousse ensuite en direction du nord-ouest du pays, pendant que son compagnon Musa ben Nusayr s'empare de Séville et de Mérida. Cordoue, Malaga et Iliberris – la future Grenade – tombent à leur tour alors que certains grands notables wisigoths négocient leur soumission et leur conversion contre le maintien de leurs principautés territoriales. Huelva et Lisbonne sont prises, et Saragosse tombe en 714. De là, Tariq s'avance jusqu'à Barcelone et Tarragone alors que Musa pousse vers l'ouest pour soumettre la Galice. L'apparente facilité avec laquelle la conquête a été réalisée apparaît surprenante, surtout si l'on considère la faiblesse des effectifs engagés par l'envahisseur – tout au plus quelques dizaines de milliers de Berbères et d'Arabes qui interviennent en Espagne au cours de ces premières années. On peut retenir, parmi les explications avancées, la division du camp wisigothique ou le rôle joué par l'arianisme qui, hostile au dogme trinitaire et à la double nature divine et humaine du Christ, a pu préparer une partie de la population à une acceptation plus rapide de la religion musulmane. Cependant, l'Hispania wisigothique avait connu précédemment diverses interventions extérieures : le roi Athanagilde a fait appel aux Byzantins qui ont réalisé une reconquête temporaire et partielle de la péninsule ; Sisenand a sollicité l'aide des Francs ; c'est aussi à l'appel des partisans du roi défunt Witiza que les Musulmans font irruption en Espagne… Ce fait a pu contribuer à la banalisation de l'événement de 711. Demeurés chrétiens pendant plusieurs siècles dans le cadre de l'Empire romain, les Berbères ne sont pas perçus alors comme les représentants d'un monde différent et hostile, comme les tenants d'une religion incompatible avec le christianisme, ce que ressentiront en revanche les Castillans ou les Aragonais engagés lors des siècles suivants dans les combats de la Reconquête.
… à l'instauration d'une relative cohabitation
Réduits au statut de dhimmi, les chrétiens, comme les juifs, sont considérés comme « peuple du Livre » et bénéficient d'un statut particulier, qui leur laisse la liberté religieuse mais leur impose un régime fiscal spécifique et introduit un certain nombre de discriminations en faveur des « vrais croyants » musulmans. Jusqu'au Xe siècle, la population d'Al Andalus, c'est-à-dire l'ensemble des régions de la péninsule contrôlées par les musulmans – et non la seule « Andalousie » actuelle – demeurera majoritairement chrétienne. Ces fidèles sont dits mustarib,« mozarabes » dans la mesure où ils ont adopté la langue arabe et certains traits de l'art de vivre musulman. Mais la cohabitation des deux communautés se révèle aussi conflictuelle et les chrétiens réagissent par le martyre, l'insurrection ou l'exil à la domination qu'ils sont contraints de subir.
Arrêtée à Poitiers par Charles Martel, refoulée de Septimanie – notre actuel Languedoc – par Pépin le Bref, la vague musulmane reflue avant la fin du VIIIe siècle au-delà des Pyrénées, et la pression des Carolingiens aboutit même, après la prise de Barcelone en 801, à la formation de la marche d'Espagne d'où naîtra la Catalogne.
Si l'on excepte les réduits montagneux des régions basque et cantabrique, les musulmans s'installent solidement dans le reste de la péninsule. Dès 756, l'Ommeyade Abd al-Rahman se fait proclamer émir à Cordoue et fonde un État puissant qui impose son autorité sur l'ensemble d'Al Andalus… En 929, Abd al-Rahman III, proclamé « Commandeur des croyants », fonde le califat qui peut rivaliser – tout au long du Xe siècle, soit à l'apogée de la civilisation ibéro-musulmane – avec Bagdad et Byzance, au moment où les capitales carolingiennes apparaissent bien modestes. À la fin du siècle, les campagnes menées par le vizir Al-Mansur contre les petits royaumes chrétiens du Nord se soldent par des succès spectaculaires mais ce triomphe du camp musulman est de courte durée. Après la mort, en 1002, de ce chef de guerre redoutable, le califat de Cordoue, plongé dans les intrigues de palais et les guerres intestines, connaît une décadence rapide qui aboutit à sa disparition en 1031. Une vingtaine de petites principautés musulmanes naissent sur ses ruines mais, profondément divisées, elles sont incapables de s'opposer à l'offensive des royaumes chrétiens.
Premières tentatives de reconquête
Quelques années seulement après la conquête, les populations du Nord montagneux de la péninsule, peut-être rejointes par une partie de l'aristocratie wisigothique demeurée fidèle à Rodéric, ont entamé la lutte contre les envahisseurs. Dès 722, les musulmans ont subi à Covadonga leur première défaite, événement fondateur de ce qui sera perçu ultérieurement comme la reconquête chrétienne de l'Espagne. Le royaume des Asturies qui se constitue alors paraît pourtant bien modeste et n'inquiète guère les émirs de Cordoue. Ses souverains, finalement installés à Oviedo, établissent d'abord un solide réduit défensif au nord du bassin du Duero. Dès le IXe siècle, les chrétiens remportent cependant des succès significatifs et l'apparition de saint Jacques lors du combat de Clavijo livré en 859 place la Reconquête sous le signe du Santiago Matamoros, le « tueur de Maures » ; le tombeau de l'apôtre, bientôt découvert à Compostelle, attire vers le Finistère galicien des dizaines de milliers de pèlerins qui popularisent dans tout l'Occident la lutte livrée en Espagne contre l'Infidèle. Jusqu'au début du XIe siècle, la puissance du califat de Cordoue maintient sur la défensive les petits États chrétiens des Asturies, de Leon, de Castille et de Navarre, mais la crise de l'Espagne musulmane offre aux souverains guerriers du Nord l'opportunité d'imposer aux royaumes nés de la décomposition du califat le paiement d'un tribut pour prix de leur protection. Les rois de Tolède, Saragosse, Badajoz ou Séville sont contraints d'accepter ce système, qui convient aux princes chrétiens ne disposant pas encore de ressources humaines suffisantes pour réaliser une colonisation à grande échelle des territoires musulmans. Cette situation ne dure pas et, dès 1085, Alphonse VI de Castille obtient la reddition de Tolède, succès décisif pour la poursuite de l'offensive vers le sud. À peu près à la même époque, le tout jeune royaume d'Aragon réussit à faire sauter les verrous qui, comme Monzon ou Huesca, fermaient le débouché des vallées pyrénéennes et interdisaient l'accès à la vallée de l'Èbre. Partie intégrante d'un Occident européen en pleine ascension aux lendemains de l'an mil, l'Espagne chrétienne dispose dorénavant de l'initiative, et c'est Al Andalus qui se trouve sur la défensive. Dans ces conditions, la « croisade d'Espagne » semble promise à un succès rapide…
Nouveaux défenseurs de la foi du Prophète et la Grande Reconquête
Véritables moines-soldats, les al Morabitoun, les Almoravides, les hommes des ribat – ces communautés guerrières rassemblées aux confins du désert mauritanien – ont conquis le Maroc avant de venir prêter main forte à leurs coreligionnaires d'Espagne. Vainqueurs des Castillans à Zalacca en 1086, ils obligent la veuve du Cid à évacuer Valence en 1102 et, pendant un demi-siècle, ils font peser sur les royaumes chrétiens une menace permanente. Le roi d'Aragon Alphonse le Batailleur parvient à s'emparer de Saragosse et de la vallée de l'Èbre et à ouvrir la route de Valence, mais les difficultés que connaît alors la Castille avantagent le camp musulman. Au milieu du XIIe siècle, la domination almoravide est remise en cause par de nouveaux envahisseurs, les Almohades ou « tenants de l'unicité de Dieu » ; ces montagnards berbères, rassemblés à l'appel de leur mahdi Ibn Toumert, prennent le contrôle du Maroc et de l'ensemble du Maghreb et viennent remplacer les nomades guerriers issus du désert mauritanien. Ce sont des adversaires tout aussi redoutables et les royaumes chrétiens doivent accentuer leur effort militaire et surmonter leurs divisions pour faire face, alors que se constituent plusieurs ordres guerriers spécifiquement ibériques tels que ceux de Calatrava, Santiago et Alcantara. Le tournant de la lutte entre chrétiens et musulmans intervient le 16 juillet 1212, lors de la bataille de Las Navas de Tolosa livrée au débouché de la Sierra Morena.
Le pape Innocent III a appelé de nouveau à la croisade d'Espagne et des contingents étrangers, notamment français, sont venus se joindre à l'armée réunie à Tolède par tous les souverains de la péninsule. La victoire remportée par les armées chrétiennes, à l'issue d'une journée de combats acharnés, permet d'engager la « Grande Reconquête » qui voit tomber les villes d'Estrémadure comme Badajoz ou Mérida en 1230, l'archipel des Baléares reconquis par le roi d'Aragon Jaime Ier el Conquistador entre 1230 et 1235, Cordoue en 1236, Valence deux ans plus tard et, enfin, Séville en 1248, alors que la reconquête du Portugal se termine l'année suivante.
Le petit royaume nasride de Grenade demeure désormais le seul vestige des grandeurs passées de l'islam andalou. La crise qui affecte l'ensemble de l'Occident aux XIVe et XVe siècles et les difficultés rencontrées par le royaume de Castille laissent un long répit aux Grenadins qui tentent vainement de trouver des soutiens au Maroc ou à Tlemcen, voire auprès du sultan mamelouk d'Égypte. Depuis que les Castillans ont, en 1340, vaincu les Marocains au rio Salado, le danger d'une nouvelle intervention nord-africaine dans la péninsule est écarté. Mais il faut attendre la réalisation de l'unité espagnole – par le mariage d'Isabelle de Castille et de Ferdinand d'Aragon – pour que reprenne l'offensive contre Grenade. La reddition de la ville est obtenue en janvier 1492, à l'issue d'une guerre de dix ans, et cette victoire est célébrée dans toute l'Europe chrétienne, au moment où l'ennemi ottoman, qui s'est emparé de Constantinople en 1453 et ferme la Méditerranée au commerce italien, est perçu en Occident comme un danger redoutable.
De la « perte de l'Espagne »…
Elle intervient à partir de 711, avec une rapidité foudroyante. Après avoir subjugué l'Afrique du Nord, qui leur a opposé une résistance beaucoup plus longue, les conquérants musulmans parvenus aux rives atlantiques du Maghreb se tournent naturellement vers le royaume qui s'étend au nord des Colonnes d'Hercule. L'Hispania des rois wisigoths – qui avaient réussi à unifier sous leur autorité l'ensemble de la péninsule Ibérique – connaissait alors de sérieuses difficultés. Plusieurs sécheresses catastrophiques avaient ruiné et réduit à la misère les populations rurales.
L'aristocratie germanique dominante ne s'était jamais fondue dans la population ibéro-romaine et, jusqu'au ralliement – à la fin du VIe siècle – du roi Recarède à l'Église romaine, les Wisigoths étaient demeurés attachés au christianisme arien. Enfin leur politique antijudaïque, très brutale, fondée sur leur souci d'établir une société homogène après les dissensions liées à l'arianisme, encourageait la minorité juive, victime de nombreuses discriminations, à accueillir comme des libérateurs les envahisseurs musulmans. Les divisions de l'aristocratie dirigeante fragilisaient le pouvoir du roi Rodéric, qui devait également compter avec les dissidences chroniques des populations asturiennes et basques.
Après une première reconnaissance réalisée en 710, le chef berbère Tariq – qui donne alors son nom au détroit de Gibraltar, en baptisant le « rocher » Djebel al Tarik – débarque avec quelques milliers de combattants près d'Algésiras à l'été de 711. Revenu du nord où il faisait campagne contre les rebelles asturiens, le roi Rodéric est, selon la tradition, vaincu et tué lors de la bataille livrée sur les rives du rio Guadalete, et les envahisseurs peuvent engager immédiatement la conquête de la péninsule. Tariq s'avance jusqu'à Tolède, la capitale wisigothique, qui se rend sans combat. Il pousse ensuite en direction du nord-ouest du pays, pendant que son compagnon Musa ben Nusayr s'empare de Séville et de Mérida. Cordoue, Malaga et Iliberris – la future Grenade – tombent à leur tour alors que certains grands notables wisigoths négocient leur soumission et leur conversion contre le maintien de leurs principautés territoriales. Huelva et Lisbonne sont prises, et Saragosse tombe en 714. De là, Tariq s'avance jusqu'à Barcelone et Tarragone alors que Musa pousse vers l'ouest pour soumettre la Galice. L'apparente facilité avec laquelle la conquête a été réalisée apparaît surprenante, surtout si l'on considère la faiblesse des effectifs engagés par l'envahisseur – tout au plus quelques dizaines de milliers de Berbères et d'Arabes qui interviennent en Espagne au cours de ces premières années. On peut retenir, parmi les explications avancées, la division du camp wisigothique ou le rôle joué par l'arianisme qui, hostile au dogme trinitaire et à la double nature divine et humaine du Christ, a pu préparer une partie de la population à une acceptation plus rapide de la religion musulmane. Cependant, l'Hispania wisigothique avait connu précédemment diverses interventions extérieures : le roi Athanagilde a fait appel aux Byzantins qui ont réalisé une reconquête temporaire et partielle de la péninsule ; Sisenand a sollicité l'aide des Francs ; c'est aussi à l'appel des partisans du roi défunt Witiza que les Musulmans font irruption en Espagne… Ce fait a pu contribuer à la banalisation de l'événement de 711. Demeurés chrétiens pendant plusieurs siècles dans le cadre de l'Empire romain, les Berbères ne sont pas perçus alors comme les représentants d'un monde différent et hostile, comme les tenants d'une religion incompatible avec le christianisme, ce que ressentiront en revanche les Castillans ou les Aragonais engagés lors des siècles suivants dans les combats de la Reconquête.
… à l'instauration d'une relative cohabitation
Réduits au statut de dhimmi, les chrétiens, comme les juifs, sont considérés comme « peuple du Livre » et bénéficient d'un statut particulier, qui leur laisse la liberté religieuse mais leur impose un régime fiscal spécifique et introduit un certain nombre de discriminations en faveur des « vrais croyants » musulmans. Jusqu'au Xe siècle, la population d'Al Andalus, c'est-à-dire l'ensemble des régions de la péninsule contrôlées par les musulmans – et non la seule « Andalousie » actuelle – demeurera majoritairement chrétienne. Ces fidèles sont dits mustarib,« mozarabes » dans la mesure où ils ont adopté la langue arabe et certains traits de l'art de vivre musulman. Mais la cohabitation des deux communautés se révèle aussi conflictuelle et les chrétiens réagissent par le martyre, l'insurrection ou l'exil à la domination qu'ils sont contraints de subir.
Arrêtée à Poitiers par Charles Martel, refoulée de Septimanie – notre actuel Languedoc – par Pépin le Bref, la vague musulmane reflue avant la fin du VIIIe siècle au-delà des Pyrénées, et la pression des Carolingiens aboutit même, après la prise de Barcelone en 801, à la formation de la marche d'Espagne d'où naîtra la Catalogne.
Si l'on excepte les réduits montagneux des régions basque et cantabrique, les musulmans s'installent solidement dans le reste de la péninsule. Dès 756, l'Ommeyade Abd al-Rahman se fait proclamer émir à Cordoue et fonde un État puissant qui impose son autorité sur l'ensemble d'Al Andalus… En 929, Abd al-Rahman III, proclamé « Commandeur des croyants », fonde le califat qui peut rivaliser – tout au long du Xe siècle, soit à l'apogée de la civilisation ibéro-musulmane – avec Bagdad et Byzance, au moment où les capitales carolingiennes apparaissent bien modestes. À la fin du siècle, les campagnes menées par le vizir Al-Mansur contre les petits royaumes chrétiens du Nord se soldent par des succès spectaculaires mais ce triomphe du camp musulman est de courte durée. Après la mort, en 1002, de ce chef de guerre redoutable, le califat de Cordoue, plongé dans les intrigues de palais et les guerres intestines, connaît une décadence rapide qui aboutit à sa disparition en 1031. Une vingtaine de petites principautés musulmanes naissent sur ses ruines mais, profondément divisées, elles sont incapables de s'opposer à l'offensive des royaumes chrétiens.
Premières tentatives de reconquête
Quelques années seulement après la conquête, les populations du Nord montagneux de la péninsule, peut-être rejointes par une partie de l'aristocratie wisigothique demeurée fidèle à Rodéric, ont entamé la lutte contre les envahisseurs. Dès 722, les musulmans ont subi à Covadonga leur première défaite, événement fondateur de ce qui sera perçu ultérieurement comme la reconquête chrétienne de l'Espagne. Le royaume des Asturies qui se constitue alors paraît pourtant bien modeste et n'inquiète guère les émirs de Cordoue. Ses souverains, finalement installés à Oviedo, établissent d'abord un solide réduit défensif au nord du bassin du Duero. Dès le IXe siècle, les chrétiens remportent cependant des succès significatifs et l'apparition de saint Jacques lors du combat de Clavijo livré en 859 place la Reconquête sous le signe du Santiago Matamoros, le « tueur de Maures » ; le tombeau de l'apôtre, bientôt découvert à Compostelle, attire vers le Finistère galicien des dizaines de milliers de pèlerins qui popularisent dans tout l'Occident la lutte livrée en Espagne contre l'Infidèle. Jusqu'au début du XIe siècle, la puissance du califat de Cordoue maintient sur la défensive les petits États chrétiens des Asturies, de Leon, de Castille et de Navarre, mais la crise de l'Espagne musulmane offre aux souverains guerriers du Nord l'opportunité d'imposer aux royaumes nés de la décomposition du califat le paiement d'un tribut pour prix de leur protection. Les rois de Tolède, Saragosse, Badajoz ou Séville sont contraints d'accepter ce système, qui convient aux princes chrétiens ne disposant pas encore de ressources humaines suffisantes pour réaliser une colonisation à grande échelle des territoires musulmans. Cette situation ne dure pas et, dès 1085, Alphonse VI de Castille obtient la reddition de Tolède, succès décisif pour la poursuite de l'offensive vers le sud. À peu près à la même époque, le tout jeune royaume d'Aragon réussit à faire sauter les verrous qui, comme Monzon ou Huesca, fermaient le débouché des vallées pyrénéennes et interdisaient l'accès à la vallée de l'Èbre. Partie intégrante d'un Occident européen en pleine ascension aux lendemains de l'an mil, l'Espagne chrétienne dispose dorénavant de l'initiative, et c'est Al Andalus qui se trouve sur la défensive. Dans ces conditions, la « croisade d'Espagne » semble promise à un succès rapide…
Nouveaux défenseurs de la foi du Prophète et la Grande Reconquête
Véritables moines-soldats, les al Morabitoun, les Almoravides, les hommes des ribat – ces communautés guerrières rassemblées aux confins du désert mauritanien – ont conquis le Maroc avant de venir prêter main forte à leurs coreligionnaires d'Espagne. Vainqueurs des Castillans à Zalacca en 1086, ils obligent la veuve du Cid à évacuer Valence en 1102 et, pendant un demi-siècle, ils font peser sur les royaumes chrétiens une menace permanente. Le roi d'Aragon Alphonse le Batailleur parvient à s'emparer de Saragosse et de la vallée de l'Èbre et à ouvrir la route de Valence, mais les difficultés que connaît alors la Castille avantagent le camp musulman. Au milieu du XIIe siècle, la domination almoravide est remise en cause par de nouveaux envahisseurs, les Almohades ou « tenants de l'unicité de Dieu » ; ces montagnards berbères, rassemblés à l'appel de leur mahdi Ibn Toumert, prennent le contrôle du Maroc et de l'ensemble du Maghreb et viennent remplacer les nomades guerriers issus du désert mauritanien. Ce sont des adversaires tout aussi redoutables et les royaumes chrétiens doivent accentuer leur effort militaire et surmonter leurs divisions pour faire face, alors que se constituent plusieurs ordres guerriers spécifiquement ibériques tels que ceux de Calatrava, Santiago et Alcantara. Le tournant de la lutte entre chrétiens et musulmans intervient le 16 juillet 1212, lors de la bataille de Las Navas de Tolosa livrée au débouché de la Sierra Morena.
Le pape Innocent III a appelé de nouveau à la croisade d'Espagne et des contingents étrangers, notamment français, sont venus se joindre à l'armée réunie à Tolède par tous les souverains de la péninsule. La victoire remportée par les armées chrétiennes, à l'issue d'une journée de combats acharnés, permet d'engager la « Grande Reconquête » qui voit tomber les villes d'Estrémadure comme Badajoz ou Mérida en 1230, l'archipel des Baléares reconquis par le roi d'Aragon Jaime Ier el Conquistador entre 1230 et 1235, Cordoue en 1236, Valence deux ans plus tard et, enfin, Séville en 1248, alors que la reconquête du Portugal se termine l'année suivante.
Le petit royaume nasride de Grenade demeure désormais le seul vestige des grandeurs passées de l'islam andalou. La crise qui affecte l'ensemble de l'Occident aux XIVe et XVe siècles et les difficultés rencontrées par le royaume de Castille laissent un long répit aux Grenadins qui tentent vainement de trouver des soutiens au Maroc ou à Tlemcen, voire auprès du sultan mamelouk d'Égypte. Depuis que les Castillans ont, en 1340, vaincu les Marocains au rio Salado, le danger d'une nouvelle intervention nord-africaine dans la péninsule est écarté. Mais il faut attendre la réalisation de l'unité espagnole – par le mariage d'Isabelle de Castille et de Ferdinand d'Aragon – pour que reprenne l'offensive contre Grenade. La reddition de la ville est obtenue en janvier 1492, à l'issue d'une guerre de dix ans, et cette victoire est célébrée dans toute l'Europe chrétienne, au moment où l'ennemi ottoman, qui s'est emparé de Constantinople en 1453 et ferme la Méditerranée au commerce italien, est perçu en Occident comme un danger redoutable.
Philippe Conrad
Octobre 2000
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Bibliographie
Histoire médiévale de la péninsule Ibérique Adeline Rucquoi Points histoire Seuil, Paris, 1993 |
Les Espagnes médiévales, 409-1474 Sous la direction de Denis Menjot et Michel Balard Hachette, Paris, 1996 |
Quand l’islam était aux portes des Pyrénées (XIe-XIIe siècles) Pierre Tucoo-Chala et Christian Desplat Collection « Terres et Hommes du Sud » J. et D. éditions, Paris, 1994 |
La Frontière et les hommes (VIIIe-XIIIe siècles) Philippe Sénac Maisonneuve & Larose, Paris, 2000 |
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